2012-02-01T19:40:00+01:00

Ma journée de star de la télé

Publié par Fraise

salmahayek.jpgFraise à la menthe, vu à la télé !

 

Suite à cet article, j'ai été contactée par une journaliste de France 2, qui cherchait des témoignages pour un reportage sur les gens qui cumulent plusieurs emplois. Je suis pas frileuse, et plutôt exhibitionniste (la preuve, tu lis régulièrement les hauts et les bas de ma vie intime), alors j'ai accepté. Aujourd'hui, la journaliste et un caméraman m'ont suivie toute la journée.

 

J'te raconte ? Allez, j'te raconte !

 

Donc, hier la demoiselle m'appelle, pour me dire qu'ils voudraient tourner le lendemain (donc aujourd'hui, suis donc un peu !). Petit coup de stress : il me faut l'autorisation de mon employeur et des parents de mon élève. J'ai passé l'aprem à attendre une réponse de ma Présidente, qui a fini par accepter, sous certaines conditions (ne pas citer le nom de l'entreprise, qu'on ne voie pas le logo... J'espère qu'elles seront respectée, sinon je suis mal !). Le soir, rebelote avec les parents de mon élève, qui n'étaient pas d'accord... OK en revanche pour mon deuxième élève, celui de 18h. On fera avec.

 

Allez, je copie mon idole, je te fais un minute par minute ? (je manque totalement de personnalité, mais j'assume) (ou pas)

 

 

 

6h30 : le réveil sonne. Je me rendormirais bien, je me suis couchée à minuit parce que j'ai briqué de fond en comble mon studio pour cacher la misère et le rendre présentable. Ah, et je me suis fait des tresses dans les cheveux, aussi, pour qu'ils soient bouclés.

 

7h : Je finis par me lever, sous les miaulements admiratifs de Plume. Douche, café, p'tit dej des champions (Cracotte, beurre, confiture, et 2 Prince) (oui, c'est capital comme renseignement, je sais).

8h :  Ouh là !! Je suis même pas maquillée, merde comment je m'habille, ce haut vert il est pas mal, mais le bleu aussi, brodel, je vais me les cailler, j'ai pas regardé la météo, mais au point où j'en suis, c'est un peu tard.

 

8h30 : Je suis à la bourre. Je sors de l'appart, et je marche vite vite pour ne pas louper mon bus.

8h31 : Et merde. J'ai enlevé le sac poubelle de la poubelle, et je l'ai posé vers l'évier pour penser à le jeter en sortant. Et je l'ai pas jeté. La classe.

8h32 : Si Plume fouille dans le sac poubelle, je suis bonne pour passer pour une clocharde au 20h de France 2.

8h33 : En fait, si Plume se fait une journée "comme d'hab", je passerais pour une clocharde au 20h de France 2.

8h34 : Merde, je vais passer pour une clocharde au 20h de France 2 !

 

8h43 : Ouf, j'ai pas loupé mon bus. Mon collègue (nous l'appellerons Disco, pour respecter son anonymat) me dit bonjour et s'asseoit à côté de moi. Le pauvre il ne sait pas qu'il est assis à côté de la future révélation française de la télévision 2012.

8h45 : J'informe Disco de ma future célébrité internationale. Il n'a pas l'air impressionné. Ignare.

8h50 : Les gens qui prennent le bus avec moi, tu crois que demain ils me demanderont des autographes ?

8h55 : Si on me demande de tourner avec Johnny dans le prochain Tim Burton, je dis oui direct ou je fais genre "mouais bof" avant d'accepter ?

 

9h : J'informe l'hôtesse d'accueil de mon bâtiment que la télé va me filmer, et donc que si une journaliste et un caméraman de FRANCE 2 se présente, elle m'appelle tout de suite. Elle n'a pas l'air impressionnée. Ignare.

9h10 : Ce café est mon dernier café d'anonyme. Demain, je serais tellement célèbre que ma tasse de café se vendra sur e-bay.

 

9h15 : Mon collègue Brice me rappelle que j'ai du boulot, dans la vraie vie. Je me demande si c'est bien raisonnable de perdre ma matinée à TRAVAILLER alors que demain je serais une star, donc multi-milliardaire, ou en passe de me marier avec un multi-milliardaire.

9h16 : Je me dis que ça va m'occuper, de travailler. Et puis, faut que je profite de ces derniers instants de banalité.

 

11h30 : Ils arrivent en gare à 12h. Dans 30 minutes.

11h31 : Je vais décéder avant qu'ils arrivent. Là, j'arrête de me la péter, je flippe ma race.

11h32 : Bon, je vais faire une pause pipi et un check-up de ma tronche.

11h33 : Mes cheveux ont décidé de se la jouer Einstein. Je savais que j'aurais dû les lisser.

11h34 : C'est la fin de ma carrière de star internationale. On dirait une actrice de série B dans les années 80.

11h35 : Je passe discuter avec mes collègues pour essayer de me détendre. Ma collègue Bio me donne mon cabas de légumes de l'AMAP, qu'elle a récupéré pour moi la semaine dernière.

11h36 : Je réalise que je vais me trimballer toute la journée, donc me faire filmer, avec un cabas de légumes.

11h37 : En même temps, ça veut dire que je suis une fille saine, qui a su rester simple malgré la célébrité.

 

12h : Pourquoi la journaliste m'a pas encore appelée ? C'était une caméra cachée, j'en étais sûre.

12h02 : J'ai cherché les caméras cachées, je les ai pas vues.

12h03 : En même temps, ça existe encore, les émissions de caméras cachées ?

12h05 : Je vais voir sur le site de la SNCF si leur train a du retard. Il arrive à 12h30, en fait.

12h07 : L'hôtesse d'accueil m'appelle pour me dire qu'elle n'a vu arriver aucun journaliste ou cameraman. Il y a de la moquerie dans sa voix, j'en suis sûre. C'est pas parce qu'elle est adorable d'habitude qu'elle peut pas se foutre de ma gueule, là. Je lui dis qu'ils ont du retard, très sûre de moi. "Merci de m'avoir appelée" et je raccroche. Nan mais oh.

12h20 : C'est long. Je retourne voir l'état de mes cheveux. C'est pire. Avec la gueule que j'ai, on dirait que la DeLorean est passée par là et qu'on a fait un saut dans les années 80. Ca expliquerait le coup des caméras cachées, remarque.

 

12h30 : Mon téléphone sonne ! Ils sont devant le bâtiment. Qui est fermé, parce que c'est la pause déjeuner de l'hôtesse d'accueil. Je descends en catastrophe leur ouvrir l'arrière du bâtiment. En croisant les doigts pour qu'ils n'aient pas déjà filmé le bâtiment en lui-même, sinon ma Présidente va m'égorger.

12h32 : Une jeune fille blonde à lunettes l'air un peu hipster, mais sympa, et un mec brun, 35 ans. Je me la joue hyper décontractée, genre "j'ai fait ça toute ma vie". On monte dans mon bureau. On ne croise personne. Crotte.

12h40 : Je suis censée faire comme si je travaillais. Sauf que j'ai le cerveau vide. J'arrive même pas à recopier le titre d'un article de presse, on dirait qu'on m'a amputée d'une moitié de cerveau.

12h42 : Je vais passer pour une arriérée au 20h de France 2.

 

12h45 : Elle me pose quelques questions. Je réponds comme je peux, vu que j'ai le cerveau vide.

12h50 : "A quelle heure vous devez prendre votre bus pour aller donner votre cours ?" - "Gnéééééé.... Euh... Normalement, je le prends à 12h29, mais là on va prendre celui de 13h." - "OK, alors on descend".

12h55 : On est dans le hall, le mec m'accroche un micro cravate, et moi je pense qu'à une chose : "il pourrait pas faire ça dehors, on va rater le bus !!"

12h59 : On a raté le bus. Pourtant, j'ai couru derrière. Et le mec m'a filmé. Je vais être la Forrest Gump de la télévision française. Ma carrière internationale vient de mourir sous mes yeux.

 

13h00 : Je bug. Je ne sais pas quoi faire, le suivant est à 13h30. Je pensais manger dans le centre-ville avant de prendre mon bus, mais là rien ne se passe comme prévu, et je bug. Forrest Gump, je te dis !

13h02 : J'ai trouvé : On va manger ici, et prendre le bus après. Je suis un génie.

13h05 : Nous nous dirigeons donc vers le camion à pâtes en face de mon bureau. La fille me pose encore des questions, j'essaie d'être naturelle. Comme mes légumes.

13h15 : On mange dans le réfectoire. Tous mes collègues sont assis à une table, mais je me mets à celle d'à côté avec mes meilleurs amis les gens de France 2. Nous ne sommes plus du même monde. (en vrai, yavait plus de place à leur table...)

13h25 : Retour à l'arrêt de bus, on va pas faire la même connerie 2 fois. Le mec me filme sous toutes les coutures en train d'attendre. La fille me pose encore des questions.

13h30 : Je monte dans le bus, bondé, je trouve une place au fond, ce qui m'oblige à traverser tout le véhicule sous les yeux étonnés des gens...

 

13h45 : Je trouve le voyage très long. Faut dire que j'ai de la musique dans les oreilles, d'habitude. Là, j'ai un micro cravate sur mon manteau, et un mec qui me filme en train de regarder fixement par la vitre comme une arriérée.

13h50 : On attend le prochain bus, pour aller à mon premier cours. Oui, chez la dame qui a refusé d'être filmée. Je le signale à la journaliste. "Je vais lui parler, on verra".

13h51 : On verra quoi ? Si elle me vire ?

13h52 : Je peux demander des indemnités de licenciement à France 2 si elle me vire ?

13h55 : Le bus arrive, le mec me filme en train de monter dedans, puis encore pendant le voyage. Les gens me regardent comme une extraterrestre. Ou une star. Ou une Cindy Sanders.

 

14h00 : On arrive, 10 minutes de marche jusqu'à la maison. Le mec me filme en train de marcher, sous toutes les coutures. Avec mon cabas de légumes, donc. Qui pèse de plus en plus lourd.

14h05 : A cause du froid, je souffle comme un phoque neurasthénique. Quand la fille me pose des questions, je réponds comme si je venais de courir un 100 mètres. J'ai envie de préciser que c'est parce que j'ai pas de sous que je suis grosse, je peux pas faire de sport, faut que je gagne ma vie et puis le sport ça coûte cher.

14h06 : On s'en tape de ton IMC. Ca n'intéresse que le registre des donneurs de moelle osseuse.

14h20 : Arrêt sur mon banc fétiche, sur lequel j'attend chaque semaine pendant 10 minutes que ce soit l'heure de mon cours.

14h22 : Elle me pose encore des questions, et me dit "Vous positivez, en tout cas, vous avez le sourire, ça vous aide à supporter la situation ?" Et là je me rend compte qu'effectivement, je souris comme une nouille dès que je parle, depuis le début.

14h23 : Je vais être élue "Ahurie de la télévision française en 2012".

14h24 : Je sais plus quoi leur dire, alors je propose qu'on aille chez mon élève (nous l'appelerons Zola, parce qu'on bosse là-dessus en ce moment...). En avance. Le truc que je ne fais jamais. Les gens changent, avec la célébrité.

 

14h25 : Je sonne à la porte, la maman m'ouvre et ouvre aussitôt de grands yeux en voyant la caméra "J'avais dit non !" - "Euh.... Ils filment pas, ils me suivent, ils ont pas de voiture" Je bafouille des trucs qui ne veulent rien dire, et me précipite vers la table du salon sur laquelle nous travaillons d'habitude. La maman s'explique avec la journaliste, je discute avec Zola, en faisant comme s'ils n'étaient pas là.

 

14h30 : J'essaie tant bien que mal de faire mon cours, mais Zola n'arrive pas à se concentrer, et moi non plus, je raconte des trucs inutiles et sans intérêt, alors que d'habitude j'ai toujours un tas d'analyses pertinentes...

14h31 : Je vais être élue "Prof la plus nulle de la télévision française en 2012" s'ils ne coupent pas le son au montage.

14h35 : Ils s'en vont, m'attendre au café de la place du village.

14h36 : Je discute avec la maman pour me faire pardonner. C'est arrangé. OUF !

14h37 : Vous pouvez éteindre votre télévision et reprendre une activité normale.

 

15h30 : Je termine mon cours, discute encore un peu avec la maman, et je sors, juste quand la journaliste m'appelle. Ils m'attendent à l'arrêt de bus.

15h35 : Je me les caille. J'aurais dû mettre un pull. En plus, je suis vraiment pas sûre de ce haut sans manches sur lequel j'ai mis un vieux cache-coeur troué sous le bras. Je vais être élue "Meuf la plus mal habillée de la télévision française en 2012".

15h40 : Je les rejoins, en croisant les doigts pour que le bus n'ait pas 20 minutes de retard comme la semaine dernière. La chargée de com du réseau de transports en commun qui est en moi a pris le dessus.

15h55 : Le bus arrive, on monte, toujours sous l'oeil de la caméra. En chemin, le mec filme le château de Crussol. Je suis fière de ma région.

15h56 : Nan, parce que jusque là, il n'a filmé que des zones commerciales moches, par la vitre du bus... J'ai honte de ma région.

 

16h10 : Je descends du bus sous les feux des projecteurs. On marche dans les rues piétonnes pour aller chez moi, des filles s'écartent comme un banc de sardines effrayées par un requin en voyant la caméra. Hé ouais, tout le monde ne peut pas être aussi à l'aise que moi devant un objectif. C'est naturel, chez moi. Comme mon cabas de légumes.

16h15 : Je suis frigorifiée. C'est quoi cette région où le vent fait -20° ? Je vis dans le sud, j'estime avoir le droit de ne pas mettre de pull pour passer à la télé. Merde alors !

16h20 : On refait deux fois la séquence où j'ouvre la porte d'entrée. On ne peut pas tout réussir du premier coup, jusque là j'avais une classe innée, mais personne n'est parfait, après tout.

16h25 : On entre chez moi. L'égout refoule encore, ça pue, ils vont penser que je suis une clocharde.

16h26 : J'ouvre la porte de la pièce principale. Suspens... Plume, mon bébé d'amour !! Trop sage, cette petite est aussi douée que sa mère pour détecter les caméras et savoir comment se comporter face à elle. Je l'aime.

 

16h30 : Flottement. Je leur propose un thé, mais le mec me filme en train de le faire. Ma bouilloire est pleine de taches. Je fais plein d'aller-retour entre la porte d'entrée et la pièce principale, pour poser mon manteau, mes chaussures, fermer à clé... Et tout ça sous l'oeil de la caméra. En passant devant la poubelle qui dégueule à moitié par terre. 

16h34 : Elle me demande d'ouvrir mon ordi pour leur montrer mes recherches d'emploi. Ma page d'accueil, c'est Facebook. Crédible, la meuf.

16h35 : Je leur fais une visite guidée du site de Pole Emploi. L'anecdote sur ma connexion internet (qui est un hotspot) leur plaît beaucoup. Sauf que les identifiants que j'utilise, je ne sais pas à qui ils sont. Si la personne se reconnaît, je peux dire adieu à mes soirées de web-surfing.

16h36 : Je veux leur montrer mon CV, mais je n'ai qu'un vieux, trop photoshopé pour être lisible... Le plus récent est au boulot. Je n'ose pas dire devant la caméra que je fais mes candidatures pendant mes heures de travail.

16h37 : Je leur raconte que je fais mes candidatures entre midi et 2. Avec un emploi du temps détaillé minute par minute pour me justifier. Elle s'en tape.

16h40: Pause de la caméra, on boit un peu de thé. Elle me demande mon budget exact, et note tout sur un bout de papier. Ils me disent qu'ils sont impressionnés par ma "joie de vivre malgré ma situation". Je suis sur le cul. J'ai une joie de vivre, moi ?

 

16h50 : Derniers plans, de moi en train de coudre un ourlet imaginaire sur un pantalon tout neuf. Je plante des aiguilles, dans le mauvais sens... Je vais être élue "Pire couturière de la télévision française en 2012".

16h55 : J'explique que je fais payer à mes collègues 5€ pour les ourlets d'un pantalon. Et je me demande si le fisc ne risque pas de me tomber dessus à cause de cet argent non déclaré.

 

17h : Ils me remercient, on s'habille pour retourner au Pole Bus. Moi, pour mon deuxième cours, eux, à la gare pour rentrer sur Paris. En chemin, ils me répètent à quel point je dégage un dynamisme incroyable, on voit que j'en veux, ils sont sûr que j'arriverais à m'en sortir. Je pense à ma mère qui me répète que je suis une grosse flemmarde.

17h25 : Voilà, ils partent. Je n'ose pas leur lancer un "et si vous entendez parler d'un boulot, pensez à moi". J'ai été assez ridicule comme ça aujourd'hui.

17h30 : Merde, j'ai oublié de mentionner mes 40€ de forfait téléphonique, dans mon budget. Je lui envoie un sms. Elle me répond "merci pour ces précisions". J'ai l'impression d'être la chargée de relations presse de Moi-Même Organizécheun (MMO, oui, oui). On ne se refait pas.

 

17h31 : J'attends mon bus. Je suis congelée. Quelle connerie, de vouloir me faire belle pour passer à la télé. C'est juste un reportage de 3 minutes...

 

 

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