Il y a des jours où je voudrais fuir.
Me cacher des vilains monstres sous ma couette, au chaud, à l'abri. Tourner le dos à ce que je dois faire, tout reporter au lendemain, ou à un autre jour, quand je me sentirai capable d'affronter le monde extérieur.
Oui, je connais bien ce sentiment, et je sais ce qu'il annonce. Je sais sur quel chemin boueux il m'emmène, dans quels marécages puants il veut me noyer, au milieu des feux follets et des fumerolles. Ce recroquevillement intérieur, ce repli sur soi, cette sensation que chaque interaction avec l'extérieur est une agression... Ce n'est qu'un début.
Telle une Phèdre ou une Antigone, j'ai beau vouloir me révolter contre ma destinée, elle est là, qui m'attend, en ricanant devant mes vains efforts pour la combattre. La tragédie touche au sublime, dans son aspect ridicule et terrible. Elle prête au rire, au rire tragique, au rire impuissant, au désespoir qui n'a pas d'autre issue que le rire aux larmes. Elle est le chant du bouc bientôt sacrifié, qui marche vers son destin, en connaissance de cause, en essayant de savourer chaque dernière image, odeur, sensation avant le grand saut vers le néant.
"Le tragique n'est pas dans le malheur réel et imprévu, qui nous vide aussitôt de pensées, mais au contraire dans le malheur attendu, dont on entend les pas, qui arrivera, qui est déjà arrivé, qui fera son entrée comme un acteur..."
Alain